Reuters le 17/04/2008 12h31
CHICAGO/SYDNEY/BANGKOK (Reuters) - La flambée des cours du riz ne montre aucun signe de fléchissement, ce qui reflète notamment la perspective d'une reconstitution insuffisante des stocks dans les mois qui viennent, relèvent des analystes interrogés par Reuters.
Le cours de référence mondiale a fait un bond de 10% en une semaine, ce qui entretient les réflexes de précaution des gouvernements des pays du Sud. Signe de ces tensions, un appel d'offre de la part des Philippines, premier importateur mondial de riz, n'a été couvert qu'aux deux tiers des 500.000 tonnes demandées. En réaction, à Bangkok, le riz blanc de référence a atteint jeudi 950 dollars la tonne, trois fois son prix du début 2007.
Sur le CBOT, le marché des dérivés de Chicago, le contrat de référence sur le riz américain, après avoir enchaîné les records ces trois dernières séances, a fait jeudi un bond de 2% à un nouveau plus haut historique.
Selon les prévisions du gouvernement américain, les stocks mondiaux de riz seront de 77 millions de tonnes au 1er août, date qui marque le début de l'exercice sur le marché américain du riz.
Cela traduira une légère augmentation de la production mondiale par rapport à l'exercice précédent, de cinq millions de tonnes seulement. Mais les stocks mondiaux seront encore inférieurs de 48% à ceux de l'an 2000.
En période de pénurie, le monde se tourne habituellement vers les Etats-Unis, premier exportateur mondial de denrées alimentaires. Cela a été le cas dans le passé pour le blé, le maïs ou le soja.
Cette fois, les stocks américains de riz ont été diminué de moitié ces deux dernières années, le développement continu des parcelles plantées en maïs, blé et soja se faisant au détriment de surfaces où était cultivé du riz, qui n'est cependant pas une culture dominante aux Etats-Unis.
En 2007, les Etats-Unis ont produit environ six millions de tonnes de riz, à comparer avec une production mondiale de 425 millions de tonnes.
PARCELLES SUPPLÉMENTAIRES, SPÉCULATION ACCRUE
Dans les prochaines semaines, l'impact des conditions météorologiques pourrait s'avérer capital, notamment pour les récoltes en Thaïlande et au Viêtnam, qui représentent à eux deux la moitié des exportations mondiales de riz. Les Etats-Unis, quatrième exportateur mondial, ont déjà pris du retard dans les semis, ce qui risque de se traduire par une dégradation des rendements.
Si les prochaines récoltes mondiales n'étaient pas à la hauteur des espérances, cela accentuerait la demande de la part de pays déjà tributaires des importations pour leur approvisionnement, à un moment où de nombreux autres producteurs ont pris des mesures pour limiter leurs exportations de riz, voire les stopper comme l'Inde ou le Viêtnam.
L'Inde a fermé les vannes dès octobre pour le riz non basmati qu'il exporte habituellement vers ses voisins d'Asie. La Thaïlande, premier exportateur mondial, a pris le relais mais pour se rendre rapidement compte qu'elle commençait elle-même à manquer de riz.
En Thaïlande, premier exportateur mondial de riz qui fournit à peu près un tiers du marché, un nombre important d'agriculteurs ont commencé à planter des parcelles supplémentaires.
Au Viêtnam, une variété hâtive est actuellement cultivée dans l'espoir d'une récolte qui permette sa mise sur le marché dès la mi-juin, avec un mois d'avance par rapport aux récoltes d'été habituelles.
Ce qui rend particulières l'offre et la demande s'agissant du riz, c'est qu'il est presque entièrement consommé dans les pays qui le produisent. Seuls 6% du riz cultivé dans le monde est exporté, contre 17% du blé, l'autre denrée de base de l'alimentation mondiale.
"Les plus gros producteurs mondiaux de riz et de blé sont l'Inde et la Chine, qui sont aussi les plus grands consommateurs. S'il y a un hoquet dans l'un de ces pays, c'est fini", résume Bob Papanos, ancien vice-président de l'Association américaine des producteurs de riz, qui dirige l'hebdomadaire spécialisé The Rice Producer.
"On a vu baisser les stocks et les ratios stocks/consommation ces 15 dernières années", dit-il du marché actuel du riz.
En outre, la crise mondiale du crédit se traduisant par une grande volatilité des marchés financiers, les fonds spéculatifs se sont massivement tournés vers les matières premières ces derniers mois. Depuis le début de l'année, avec les niveaux élevés déjà atteints par les cours du brut, les investisseurs se sont de plus en plus intéressés aux marchés du blé et du riz.
Lundi, CME Group, l'opérateur du marché des dérivés de Chicago, a décidé de quasiment doubler le nombre de positions que les spéculateurs peuvent détenir sur le riz coté sur le CBOT.
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