Reuters le 15/09/2010 à 09:24
Les autorités japonaises sont intervenues mercredi sur le marché des changes pour la première fois en six ans pour faire baisser le yen dont la valeur élevée menace les exportations du pays et sa reprise économique.
Le ministre des Finances Yoshihiko Noda a confirmé cette intervention, précisant que le Japon avait agi seul tout en étant en contact avec les autorités d'autres pays.
A la Réserve fédérale et au Trésor américain, on s'est refusé à tout commentaire dans l'immédiat.
Yoshihiko Noda a refusé de préciser si l'intervention avait consisté à acheter des dollars. Selon deux traders, la Banque du Japon, intervenant pour le compte du ministère des Finances, a acheté des dollars alors que le billet vert tournait aux environs de 83 yens.
"Nous prendrons des mesures résolues si nécessaire, y compris via une intervention, tout en continuant à suivre de près le mouvement du marché", a déclaré Yoshihiko Noda.
Un responsable du ministère des Finances a indiqué que l'intervention n'était pas terminée. "Si le taux de change est modifié après l'intervention, il y a des gens qui veulent acheter ou vendre. Aussi est-ce une action en continu que de répondre à ces développements", a-t-il déclaré.
Le dollar, qui avait en séance atteint son plus bas face au yen depuis quinze ans à 82,87 yens, s'est fortement apprécié pour dépasser les 85 yens.
L'intervention a aussi fait baisser le yen face à l'euro, à la livre sterling et au dollar australien.
Les estimations varient en ce qui concerne le montant dépensé par le Japon pour sa première intervention sur les changes depuis les 35.000 milliards de yens dépensés en 2003-2004 (plus de 300 milliards d'euros aux parités d'aujourd'hui).
Les cambistes évoquent une fourchette de 300 à 500 milliards de yens (2,7 à 4,5 milliards d'euros). D'autres parlent d'un chiffre plus proche de 100 milliards de yens.
Les exportateurs ont salué la décision des autorités. Le constructeur japonais Honda, qui a budgété 87 yens pour un dollar dans ses prévisions de résultat pour l'exercice en cours 2010-2011, a "applaudi" la décision dans un communiqué.
Le plus haut record de la devise nippone, 79,75 yens pour un dollar, a été atteint en 1995.
INTERROGATIONS SUR L'EFFICACITE
L'appréciation du yen menace d'entraver les exportations nippones, moteur d'une fragile reprise économique. Le gouvernement du Premier ministre Naoto Kan réfléchissait depuis plusieurs semaines à une intervention directe mais craignait que cette action soit inefficace sans la coopération du G7.
La réélection de Naoto Kan mardi à la tête du parti au pouvoir laissait penser qu'une intervention directe n'était pas d'actualité.
"L'opinion du marché était que Kan était plus tolérant face à un yen élevé et le yen a bondi après sa réélection à la tête du parti au pouvoir hier", souligne Yasuo Yamamoto, économiste au Mizuho Research Institute.
"Le gouvernement a probablement voulu faire mentir ces avis. Mais la question est de savoir si la hausse du yen va être enrayée. Ce n'est pas évident."
Les analystes se montrent dubitatifs sur une aide externe aux autorités japonaises. Ils soulignent que d'autres pays souhaitent aussi avoir une devise orientée à la baisse pour soutenir leurs exportations et la reprise économique.
"Le montant consacré à l'intervention ne devrait pas être aussi important que celui dépensé la dernière fois que le Japon est intervenu, aussi ce ne sera pas suffisant pour faire cesser la baisse du dollar face au yen. Il est également improbable que d'autres pays coopèrent", juge Junya Tanase, spécialiste des devises chez JP Morgan à Tokyo.
Dans un communiqué émis peu après l'intervention, le gouverneur de la banque centrale a indiqué que l'institut d'émission continuerait à fournir des liquidités en quantité importante au marché.
Cette expression veut dire que la BoJ ne souhaite pas drainer les fonds injectés via l'intervention du gouvernement lors de ses opérations sur le marché monétaire, dit-on de source proche du dossier.
Tadao Noda, l'un des membres de la Banque du Japon, a indiqué mercredi qu'il n'y aurait pas un lien direct entre la politique de la BoJ et les interventions sur les changes.
Le Japon n'est pas le seul pays développé à être intervenu récemment pour faire baisser sa devise. La Banque nationale suisse est intervenue en mars 2009 pour faire reculer le franc face à l'euro dans le cadre d'un ensemble de mesures pour combattre les risques de déflation.
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