AFP le 21/02/2012 à 09:51
La zone euro a décidé aux forceps mardi d'un nouveau plan de sauvetage record, atteignant potentiellement 237 milliards d'euros pour la Grèce dans l'espoir de lui éviter la sortie de l'Union monétaire, sans pour autant apaiser les inquiétudes sur l'avenir du pays.
L'accord est intervenu dans la nuit au terme plus de treize heures de tractations entre les ministres des Finances de l'Union monétaire, lors d'une de ces réunions de crise à Bruxelles dont la zone euro a désormais l'habitude.
L'accord doit permettre "de garantir l'avenir du pays dans la zone euro", a déclaré à la presse leur chef de file, Jean-Claude Juncker, alors que de nombreux économistes pensent que le pays est condamné à terme à la quitter.
Le commissaire européen aux Affaires économiques, Olli Rehn, a parlé lui d'une "chance réelle de prendre un nouveau départ" et "d'un pas essentiel pour la Grèce et la zone euro".
Le plan d'aide comprend d'une part un volet d'aide publique, --des prêts pour l'essentiel--, à hauteur de 130 milliards d'euros jusque fin 2014, après un premier programme de soutien en faveur du pays décidé en mai 2010 qui avait atteint déjà 110 milliards d'euros. Et qui s'est révélé insuffisant. Le FMI devrait y participer, mais en apportant moins que dans les plans d'aide précédents. Il prendra une décision en mars.
L'autre volet porte sur un effacement de la dette de la Grèce détenue par ses créanciers privés, banques et fonds d'investissement.
Ils doivent accepter une perte de 53,5% au final sur la valeur faciale de leurs créances grecques, soit un effort accru par rapport à l'objectif initial qui était de 50%. Cela doit permettre de réduire la dette du pays d'un montant de 107 milliards d'euros, un record dans l'histoire économique mondiale. Ce montant dépasse en effet de loin la restructuration de la dette de l'Argentine, qui atteignait 82 milliards de dollars (73 milliards d'euros environ au cours de l'époque) lorsqu'elle avait fait défaut, en janvier 2002.
Grâce à ce plan de soutien, la Grèce devrait être en mesure de faire face à une échéance de remboursement de 14,5 milliards d'euros qui tombe le 20 mars et d'éviter ainsi le défaut de paiement. A condition toutefois que les banques répondent en nombre suffisant à l'appel.
Athènes s'est dit "très satisfait" du résultat. Le gouvernement grec avait rempli sur le papier sa part du contrat en se pliant aux exigences de ses créanciers publics. Il a adopté un nouveau plan d'austérité au prix de violentes manifestations dans la rue et de nouvelles turbulences politiques et va devoir très rapidement concrétiser de premières mesures, en gage de bonne volonté, pour voir l'argent frais lui parvenir.
Un plan d'économies douloureux de 3,3 milliards d'euros pour cette année a été voté, prévoyant une réduction du salaire minimum et une limitation des retraites notamment.
Mais si les négociations ont traîné en longueur, c'est que les principaux bailleurs de fonds de la Grèce ont mis le doigt sur un trou de plusieurs milliards d'euros à combler pour parvenir à réduire la dette grecque à 120% du PIB d'ici 2020. C'est l'objectif fixé par le Fonds monétaire international afin de considérer qu'elle est supportable sur le long terme.
Au final, le plan de sauvetage permettra de réduire l'endettement grec à hauteur de 120,5% d'ici 2020. Pour y parvenir, les banques ne seront pas les seules à faire un effort accru. Les pouvoirs publics aussi vont devoir mettre un peu plus la main à la poche, en réduisant les taux d'intérêt de prêts déjà contractés à la Grèce et, pour les banques centrales de la zone euro, en participant à l'effort.
La Grèce fera en contrepartie l'objet d'une surveillance encore renforcée de la part de ses créanciers, de la Commission européenne en particulier, pour s'assurer qu'elle ne dévie pas des objectifs fixés.
Les tractations ont aussi été rendues difficiles par le fait que de nombreux pays doutent, en dépit des promesses répétées, de la capacité de la Grèce à réaliser les réformes nécessaires, d'autant que les élections législatives à venir sont susceptibles de rebattre les cartes.
Le pays lui-même est miné par la récession économique, avec cinq années consécutives de recul du Produit intérieur brut, et la population a de plus en plus de mal à accepter les coupes budgétaires successives exigées par les créanciers.
Les marchés financiers ont réagi avec prudence. L'euro a progressé face au dollar et au yen japonais mardi. Mais les Bourses européennes ont ouvert à l'équilibre.
De nombreux économistes doutent que le nouveau plan de sauvetage soit le dernier chapitre de la crise grecque, et donc de la crise de la dette qui secoue la zone euro depuis plus de deux ans. Ils regrettent qu'il ne soit tourné que vers la rigueur budgétaire et non vers la relance de la croissance, dans un pays qui risque, aux yeux de beaucoup, de "mourir guéri"."Le plan grec reste fragile et vulnérable. Même avec cet accord, la Grèce a encore la plupart de ses problèmes devant elle, pas derrière elle", prévient Sony Kapoor, directeur du centre d'études Re-Define.
Le responsable de l'institut Bruegel est encore plus pessimiste, estimant que le plan ne fait sans doute "que repousser l'échéance funeste". "La Grèce ne va pas mettre en oeuvre l'austérité promise et va se retrouver au bout du compte à devoir décider de sortir de l'euro ou à être poussée vers la sortie", juge-t-il.
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