Les placements-or déçoivent. A-t-on placé trop d’espoirs en eux ? Qu’est-ce qui les bride ? La famille s’est pourtant élargie avec les fonds indexés sur le cours de l’once.
Après avoir touché son plus-haut historique de 1.921,17 dollars l’once, le 6 septembre 2011, l’or remonte difficilement la pente. Il a à peine commencé d’effacer un recul de plus de 40% étalé sur quatre ans. Fin juillet, Goldman Sachs, une banque encore très influente sur le marché des matières premières, prévoyait que le prix de l’or finirait par se replier au-dessous de la barre symbolique des 1.000 dollars. À 1.156,60 dollars le 9 octobre, l’once a repris un peu du poil de la bête depuis cet été meurtrier pour le métal jaune.
Coup de théâtre chinois
Cependant, le prix de l’or semble encore bel et bien «coiffé» par la crainte que la Réserve fédérale se décide, enfin, à re-lever le loyer de l’argent aux États-Unis. Une remontée des taux d’intérêt défavoriserait à coup sûr l’or, un placement qui, lui, ne rapporte rien, ni intérêts, ni dividendes.
L’été dernier a été marqué par un véritable coup de théâtre, le 17 juillet, quand la banque centrale de Chine a révélé qu’elle n’avait acquis que 604 tonnes d’or, ces six dernières années, pour diversifier ses réserves de change. La quantité de métal jaune n’est pas négligeable mais l’or ne représente encore qu’une infime partie des réserves de la banque centrale (2%). Les marchés s’attendaient à au moins trois fois plus d’achats d’or de la Banque populaire de Chine. En quelques minutes, le lundi suivant, près de 1,7 milliard de dollars d’ordres de vente d’or-physique et de contrats sur les marchés à terme de Shanghai et New York ont fait reculer le prix de l’or à guère plus de 1.000 dollars, soit un plus-bas depuis cinq ans. Il semble que même les plus ardents défenseurs du métal jaune, tel le gérant américain John Paulson, commencent à douter de leurs convictions.
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Publié le 02/09/2015
Or : l’heure de vérité sonnera le 17 septembre
L’arbitragiste n’a, en tout cas, pas profité du repli du cours pour renforcer sa position dans le tracker-or [SPDR Gold Trust] dont il est porteur de parts depuis plusieurs années (lire l’encadré ci-dessus). Un autre gérant, Stanley Druckenmiller, qui a bâti sa réputation aux côtés de George Soros, a lui acheté cet été pour 323,6 millions de dollars de parts du même SPDR Gold Trust. Une seule conclusion à tirer, pour l’instant : les trackers, ou ETF, sont devenus un véhicule privilégié d’investissement dans l’or, en tout cas aux États-Unis, même si d’autres placements indiciels similaires sont négociables en Europe, tel le Gold Bullion Securites [GBS], qui représente un dizième d’once d’or et se négociait à 97,56 euros le 12 octobre dernier sur Euronext Paris.
OPA dans les mines d’or
D’aucuns jugent que seul l’or-physique mérite l’intérêt des épargnants. Il est vrai que d’autres familles de placement ont bien perdu de leur superbe, ces dernières années, à commencer par les actions de mines d’or. L’indice FTSE Gold Mines, qui reproduit les évolutions des titres des plus gros groupes miniers nord-américains et sud-africains, a chuté encore plus brutalement que le seul prix de l’or. Avant, l’achat en direct d’actions de mines d’or permettait de bénéficier d’un effet de levier sur le prix du métal jaune. Mais, avec le recul des prix de l’once, la marge d’exploitation des groupes aurifères comme Barrick Gold ou Goldcorp s’est contractée et leur cours de Bourse aussi.
Le sort des grands fonds investis précisément en actions de mines d’or n’est d’ailleurs guère enviable. À fin septembre, Morningstar avait affiché d’impressionnantes sorties nettes de capitaux dans ces fonds-or, depuis janvier dernier : 1 milliard de dollars pour Black Rock Gold and General, 522 millions de dollars pour First Eagle Gold, ou 477 millions de dollars pour Oppenheim Gold.
À contre-courant dela tendance, le fonds Tocqueville Gold a, lui, bénéficié de 147 millions de dollars de souscriptions nettes cette année. Est-il judicieux de braver l’adversité et de suivre l’exemple du Soros Fund Management, qui a acquis cet été 1,9 million d’actions de Barrick Gold, le numéro un mondial des producteurs d’or dont le cours est tombé à moins de 8 dollars ?
Jean-Philippe Roos, conseiller du président de Gaspal Gestion, se montre prudent : «La dette à long terme de Barrick, qui est de 9,5 milliards de dollars, s’avère encore supérieure à la capitalisation boursière du titre [8,85 milliards de dollars] et ce groupe ne paie aucun dividende, à la différence de Newmont Mining qui, lui, sert un dividende indexé sur le cours de l’or, encore qu’il soit devenu presque symbolique.» Le compartiment des mines d’or n’est cependant pas dénué de tout intérêt spéculatif. Rien n’interdit de penser qu’un mouvement de concentration s’opère un jour ou l’autre : «Peut-être, mais il ne faut pas s’attendre à des OPA [offres publiques d’achat]. Ces groupes n’ont plus beaucoup de cash à leur bilan, ils lanceront plutôt des OPE [offres publiques d’échange de titres]», estime Jean-Philippe Roos.
Le mépris de Warren Buffett
En définitive, l’or, sous une forme ou sous une autre, a-t-il encore sa place dans les patrimoines ? En cinq ans, l’once a légèrement progressé en euros (+3%), alors qu’exprimé en dollars son prix s’est effondré. Et à plus long terme ? La montée des périls géopolitiques dans le monde arabe ne peut-elle finir par réveiller le prix de l’or ? Pas sûr. Souvenons-nous que, en août 1990, l’invasion du Koweït par l’Irak n’avait pas fait bouger d’un cent le prix de l’once. Le conflit avait pourtant dégénéré et conduit à l’embrasement de puits de pétrole par les troupes de Saddam Hussein.
Le milliardaire Warren Buffett n’a que mépris pour l’or, «cet actif qui ne produira jamais rien, mais est acheté avec la croyance que le nombre de personnes qui ont peur va croître». Reste que l’or est autant une matière première ( bijouterie, électronique, etc.) qu’une monnaie échangeable à tout moment, sous toutes les latitudes. Cette vertu est aussi sa limite.
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